Journal [PHS] Les hackers de la peinture du dix-neuvième

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7
14
avr.
2024

Vous avez peut-être vu passer, dans les actualités récentes, la célébration des 150 ans de l'impressionnisme.

M'enfin, quel rapport avec Linux et les logiciels libres ?

Ce groupe de peintres, ce serait rebellé contre une autorité auto-proclamée de l'école des beaux-arts de l'époque. Las des représentations bibliques ou historiques, dédiées aux ~grenouilles de bénitiers~, pardon aux érudits, ils ont voulu peindre autrement. C'est ainsi qu'ils se sont mis, non seulement à peindre dehors, en dépit de tout bon sens, ou à représenter des paysages. Certains on même peint des scènes contemporaines, des hommes et des femmes dévêtus, ou pire encore, des fleurs et des fruits ! Aucun respect des traditions.

Comble de scandale pour l'époque, il y avait même une femme, Berthe Morisot, qui s'est permis de prétendre faire de la penture de manière professionnelle, et d'en vivre !

Monet se permet d'explorer les reflets de la neige, tandis que Renoir, comble de l'ébauche, avec sa représentation de "Bal du moulin de la Galette". Des hackeurs de la peinture, vous dis-je.

Heureusement pour la bien séance, quasiment toutes leurs toiles étaient rejetées de l'exposition annuelle, "le salon".

Qu'à cela ne tienne, ils se sont organisés entre eux, ont créé leur propre exposition, et invité moult journalistes, qui malheureusement, se sont contentés de critiquer un art nouveau qu'ils ne comprenaient pas. Un des journalistes, se moquera d'une des toiles de Monet intitulée « Impression, soleil levant », et nomme ces artistes les « impressionnistes ».

De cette première exposition indépendante, seulement quatre tableaux se sont vendus, ce qui a placé nos amis dans une situation financière délicate. Obligés d'exposer outre-atlantique, où leur talent a été reconnu, encouragé et largement rémunéré, leur permettant ainsi de continuer leur art.

Voilà, maintenant, vous pouvez pavoiser dans les soirées mondaines, ou les après-midi Trivial Poursuit, ou même regarder la peinture du dix-neuvième siècle d'un œil nouveau.

Comme on dit, la critique est aisée, mais l'art est difficile.

PS: PHS, c'est « Presque Hors Sujet ».

  • # To hack

    Posté par  . Évalué à 7 (+6/-2).

    C’est intéressant mais je ne trouve pas que ça relève du hacking. Ce serait plus de l’innovation assez classique dans l’art qui n’a rien de spécialement original ou astucieux. L’art est fait pour être remis en question et évoluer. Les peintres classiques pré-impressionisme ont certainement eu leur lot de critiques, et Monet n’aurait peut-être pas considéré que les peintures (en autres choses) que produisaient Mondrian ou Vasarely méritaient d’être qualifiées d’œuvre d’art, tout juste de la vulgaire décoration peut-être.

    Quand on y réfléchit, au niveau atteint par l’art moderne de nos jours c’est assez difficile d’imaginer qu’il puisse y avoir encore de telles révolutions. L’art moderne infiniment diversifié ayant désormais conquis totalement le domaine numérique avec les NFT et les œuvres générées par des IA, et que la « performance » elle même a été élevée au rang de genre artistique perso je ne vois pas bien où il pourra vraiment innover, et même s’il le pourra tout court.

    • [^] # Re: To hack

      Posté par  . Évalué à 9 (+6/-0). Dernière modification le 15 avril 2024 à 11:31.

      En fait, ça illustre qu'il semble impossible d'innover sans s'extraire des institutions. Bien sûr, toute institution prétend qu'elle innove; les maisons de disque prétendent qu'elles lancent de nouveaux artistes, Hollywood prétend sortir de nouveaux films, tout comme les institutions de l'époque prétendaient financer un art sans cesse renouvellé, mais qui ne faisait que de reproduire sans grande originalité des recettes existantes. Mais pour faire quelque chose de vraiment nouveau, il faut un autre cadre, les institutions sont conservatrices par essence.

      Je ne crois pas à la stagnation de la démarche artistique. L'innovation et l'orinalité ne sont pas des processus linéaires dans le temps, il y a des périodes d'explosion créatives, et des périodes où rien ne se passe. Un passionné de musique du tout début du XXe siècle aurait pu te dire qu'en effet, il y avait des trucs sympa en musique récente, mais qu'on avait probablement fait le tour.

      Par contre, il est aussi probable qu'avec l'âge qui ne recule pas, on devienne de moins en moins sensibles à l'innovation artistique, et qu'on finisse comme tous les vieux par rabacher que LedZep c'était quand même mieux que ce que se fait en 2040, et que quand on était jeunes, on pouvait écouter du rock, et pas ces daubes de rap nudiste ou du jazz-grunge vegan qui ne ressemblent à rien.

      • [^] # Re: To hack

        Posté par  . Évalué à 3 (+0/-0).

        Je ne crois pas à la stagnation de la démarche artistique.

        J’ai envie de ne pas y croire avec toi.

        Ça a en effet semble-t-il toujours été l’essence même de la démarche artistique que d’innover, je dirais : de surprendre. De montrer aux gens ce qu’ils n’ont jamais vu. De faire ce que personne n’a jamais fait.

        Je pense, j’ose croire même… que beaucoup d‘artistes produisent d’abord l’art qu’eux-mêmes ont envie de contempler.

        Parfois la simple écoute d’un peu de musique concrète à proximité immédiate d’un urinoir permet de saisir toute les vibrations de l’univers, ou presque !

        • [^] # Re: To hack

          Posté par  . Évalué à 7 (+4/-0).

          Ça a en effet semble-t-il toujours été l’essence même de la démarche artistique que d’innover, je dirais : de surprendre. De montrer aux gens ce qu’ils n’ont jamais vu. De faire ce que personne n’a jamais fait.

          De toutes manières, on vit avec le dogme que ça serait une catastrophe si l'inspiration artistique s'épuisait; ça aurait des conséquences assez bizarres en effet (concerts de reprises uniquement, reproductions d'oeuvres graphiques?), mais je ne suis pas mortifié par l'idée : tant qu'on a accès aux oeuvres du passé, on a un répertoire quasiment illimité à notre disposition. En tant qu'individus, on aura toujours autant de plaisir à lire des livres, à regarder des films, à écouter de la musique.

          Je pense, j’ose croire même… que beaucoup d‘artistes produisent d’abord l’art qu’eux-mêmes ont envie de contempler.

          Il y a une vision probablement assez occidentale dans l'innovation artistique. Les musiques traditionnelles du monde par exemple ne se nourrissent pas d'innovation. On peut donc avoir une vie culturelle épanouie sans cette course aux choses nouvelles.

          • [^] # Re: To hack

            Posté par  . Évalué à 2 (+0/-1).

            Ce qui est présenté comme tradition est parfois beaucoup moins vieux qu'il n'y parait. Et en plus c'est uniquement ce qui nous est parvenu.

            En pratique, je pense que la culture a toujours été, par essence, un mélange entre reprise de ce qui s'est fait avant et de transformation de ces trucs. Les compteurs traditionnels apprenaient les contes par cœur pourtant il y a trouze-mille versions. Il pouvaient comme le font des artistes modernes adapter leur discours à leur public, voir ce qui marche, ce qui lasse, affiner … ça ne date à mon avis pas d'hier tout ça.

            Un peu comme les langues qui ont des mots qui vont, viennent, vieillissent et tombent en désuétude, la culture varie et a probablement toujours varié. D'autant plus dans le passé ou rien n'était enregistré et tout était issu de pratique vivante et de transmission.

            • [^] # Re: To hack

              Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2 (+0/-0).

              Les compteurs traditionnels apprenaient les contes par cœur, pourtant il y a trouze-mille versions

              tu veux parler des troubadours ? ;-)

              • [^] # Re: To hack

                Posté par  . Évalué à 2 (+0/-1). Dernière modification le 17 avril 2024 à 12:51.

                Un Compte conte, ça compte et ça contente ? En tout cas ça se contemple, quoi qu'en disent les contempteurs.

            • [^] # Re: To hack

              Posté par  . Évalué à 2 (+0/-1).

              Si ton argument, c'est "la culture évolue", c'est difficile de s'y opposer.

              Ce que je voulais dire, c'est que l'idée que la démarche artistique se nourrit d'innovation est essentiellement occidentale. Les notions de "disruption", "anticonformisme", "changement de paradigme", sont positives, les notions de "conformisme", "déja vu", "traditionalisme" sont négatives. L'art occidental a pour essence même d'évoluer, d'innover, de proposer des "choses nouvelles". C'est même vrai pour les artistes, individuellement: quand un album ressemble trop au précédent, les critiques sautent sur l'absence de nouvelles idées.

              Bien sûr que l'art traditionnel évolue, que les artistes ajoutent parcimonieusement leur touche. Mais l'essence même de la culture de la plupart des populations non-européennes est justement de faire perdurer la tradition. Un chaman ne va pas incorporer des influences jazz pour innover, ça n'a aucun sens. Il va plutôt dire qu'il tient cette chanson de son grand-père, qui la tenait de son grand-père.

              Donc non, bien sûr, toutes les cultures évoluent, mais la culture occidentale tient pour paradigme que l'évolution est non seulement souhaitable, mais qu'elle doit être stimulée et recherchée sous peine de mourir, alors que la culture non-occidentale s'ancre dans la tradition, et considère que l'évolution n'est pas souhaitable (bien qu'elle soit inévitable).

              • [^] # Re: To hack

                Posté par  . Évalué à 3 (+1/-1).

                Je suis toujours circonspect quand on fait des généralités comme ça. Les cultures humaines, il y en a beaucoup, potentiellement genre une par village ou par groupe de pote, et des valeurs différentes. On a pas attendu le 20ème siècle en occident, probablement, pour avoir des conservateurs qui voulaient tout faire comme avant et des groupes avec un peu plus d'audace et d'originalité (évidemment aujourd'hui les techniques évoluent rapidement et la créativité pour les exploiter va vite, donc c'est un peu différent). Plus on remonte loin moins on aura de trace en plus, au bout d'un moment ce n'est que de la spéculation.

                J'ai envie de dire "référence nécessaire" donc.

                • [^] # Re: To hack

                  Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 5 (+2/-0). Dernière modification le 17 avril 2024 à 19:29.

                  Surtout qu'il ne manque absolument pas d'exemples d'arts traditionnels (ou populaires) qui ont évolué et fait l'objet de nouveautés.

                  Exemples volontairement non européens :

                  • le patchwork séminole, cousu avec des machines à coudre et fait à partir de bandes de tissu droites,
                  • toujours chez certaines tribus Amérindiennes de l'Amérique du nord, l'adoption des perles de verre pour les broderies au lieu des éléments traditionnels, notamment les pics de porc-épic,
                  • l'évolution des motifs de broderie, à peu près partout dans le monde,
                  • l'apparition du jazz, musique populaire au départ et très novatrice et qui a, à son tour, influencé, la musique savante européenne,
                  • le recours à des micros et à des instruments de musique électriques (et électroniques) dans la musique mandingue, c'est la griotte Tata Bambo Kouyaté qui, la première, a adopté ces nouveautés, et ça a complètement change le jeu des chanteurs et des chanteuses.

                  Il y en a d'autres, mais ceux-là je les connais mieux.

                  On va retrouver ces mêmes changements dans les musiques traditionnelles du vieux continent, dans les motifs de broderies, etc.

                  « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

                  • [^] # Re: To hack

                    Posté par  . Évalué à 3 (+2/-0). Dernière modification le 17 avril 2024 à 22:46.

                    Tout à fait d'accord. Et dans les cultures occidentales traditionnelles (qui ne cherchaient pas l'innovation à tout prix), on a pu voir des phénomènes similaires, avec des chants, des instruments, ou des danses qui se sont propagés d'un coin à un autre de l'europe au gré des rencontres entre peuples et cultures. Traditionnel ne veut pas dire figé.

                    Globalement, si on peut dire une chose, c'est que certains artistes innovent… et que d'autres non. Et puis voilà. Ça ne rend pas les uns ou les autres moins artistes.

                    • [^] # Re: To hack

                      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2 (+0/-0).

                      Traditionnel ne veut pas dire figé.

                      en même temps — avec un pseudo qui signifie « en avant, allons-y… » — tu peux difficilement indiquer le contraire ;-)

              • [^] # Re: To hack

                Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6 (+3/-0).

                Un chaman ne va pas incorporer des influences jazz pour innover, ça n'a aucun sens.

                Je suis extrêmement dubitative quand je lis ce genre d'affirmation : un chaman d'où ? Pourquoi ne le ferait-il pas ? Surtout qu'à ma connaissance ça a pu déjà se faire, justement.

                « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

        • [^] # Re: To hack

          Posté par  . Évalué à 3 (+2/-0).

          Ça a en effet semble-t-il toujours été l’essence même de la démarche artistique que d’innover, je dirais : de surprendre. De montrer aux gens ce qu’ils n’ont jamais vu. De faire ce que personne n’a jamais fait.

          Cela me semble hautement exagéré, sinon très faux. L'histoire de l'art regorge de tensions entre partisans de la nouveauté et défenseurs de la manière ancienne. Et si cela montre une chose… c'est qu'il y a des partisans de la nouveautés, et des défenseurs de la manière ancienne. Et c'est précisément une des ces anecdotes qui est contée dans ce journal. On peut aussi citer la bataille d'Hernani, la défense de l'ars antiqua face à l'ars nova par Jacques de Lièges, les différents drames du concours de Rome (citons Saint-Saëns et Ravel), la querelle des anciens et des modernes et bien d'autres encore. Je n'ai pris que des exemples occidentaux, mais le reste du monde n'est pas épargné par ces phénomènes.

          Il y a toujours eu des artistes qui ne cherchaient pas la nouveauté, l'innovation ni la surprise, et ont préféré se conformer à des formats pré-existant. Cela ne diminue pas leur position d'artistes, et n'enlève rien à la réalité de leurs démarches artistiques. Alors oui, parfois le temps fait qu'on se souvient mieux de ceux qui ont innové, mais ça ne change rien à la réalité.

          L'art est un domaine complexe et pluriel, son histoire est parallèle à celle d'à peu près toute l'humanité. Les pratiques et les démarches artistiques échappent assez joyeusement à toute tentative de généralisation.

    • [^] # Re: To hack

      Posté par  . Évalué à 1 (+0/-0).

      Même impression (mouarf), tel que c’est présenté, je verrais plus un lien avec la culture punk qu’avec la culture hacker.

  • # L'impressionisme, c'est comme les imprimantes

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5 (+3/-1).

    Ça demande à être libéré !

    A quand un muralisme libre qui peindrait des pingouins et des gnous géants sur la Tour Montparnasse et autres bâtiments moches ?

    Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

  • # Paysages et natures mortes

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10 (+10/-0). Dernière modification le 15 avril 2024 à 14:10.

    Désolé mais les natures mortes ne datent absolument pas de l'impressionisme… Pas plus que les paysages…

    • [^] # Re: Paysages et natures mortes

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 5 (+3/-1). Dernière modification le 17 avril 2024 à 14:03.

      En effet, la « révolution » impressionniste a surtout consisté dans la manière de peindre en recourant notamment à un système de taches de différentes couleurs. Il me semble surtout que l’évolution de la fabrication des peintures a facilité celle des paysages. La nature morte étant un style de peinture très pratique et à la portée des peintres : pas besoin de modèle, ça ne bouge pas et ça peut rester un certain temps en place donnant ainsi à l’artiste du temps pour peindre.

      De même, il a existé des femmes exerçant la profession de peintre avant : Vigée-Lebrun, considérée comme l’une des plus grandes portraitistes de son temps (catégorie incluant les hommes), ou encore Marie-Anne Pierrette Paulze épouse Lavoisier.

      Et aussi, la peinture de gens pas très habillés n’est pas franchement nouvelle, sans même parler de plafond de la chapelle Sixtine. Eugène Delacroix a, dans ses œuvres, peint aussi des gens fort peu vêtus.

      « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

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