Évolution culturelle : conquérir en copiant

Posté par  (site web personnel) . Modéré par patrick_g.
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avr.
2010
Science
Un petit billet pour parler un peu de très récents développements scientifiques dans la recherche sur l'évolution culturelle de l'espèce humaine et les conclusions intéressantes qui en ressortent.
L'essentiel : copier les actions de quelqu'un dans le cadre de la résolution d'un problème est plus efficace que ré-inventer la roue seul dans son coin. "Cultural Evolution: Conquering by Copying": C'est le titre d'une brève du numéro 328 de Science, dans la section "Évolution du comportement"[1]. Bien évidemment, le titre m'a interpellé.
D'une part, c'est dans mon domaine d'études. D'autre part, lire dans THE journal scientifique un titre du genre alors que des gouvernements parlent d'instaurer de lourdes mesures de répression de la copie... Interpellant, certes.

Je lis plus loin. Il s'agit d'un tournoi d'informatique lors duquel les compétiteurs ont été mis devant le problème suivant : "Supposez que vous vous trouviez dans un environnement inconnu et vous ne sachiez ni comment obtenir de la nourriture, ni comment éviter les dangers, ni comment vous déplacer entre les points A et B. Est-ce que vous investiriez du temps pour trouver comment faire tout(e) seul(e) ou vous observeriez d'autres personnes et les imiteriez ? Si vous les copiiez, qui imiteriez-vous ? La première personne vue ou le comportement le plus commun ? Est-ce que vous imiteriez systématiquement ou de façon sélective ?".

C'est un garçon du nom de Kevin Laland, biologiste évolutionniste de l'Université de St. Andrews (Royaume-Uni) intéressé par l'évolution de la culture humaine, qui avait obtenu une subvention de recherche de 2 millions €. Il s'est vu dans l'obligation de dépenser cette modique somme et a lancé cette compétition vers la fin 2007. L'idée derrière était d'avoir des informations mécanistiques sur le "comment" de l'émergence d'un nouveau comportement. Ainsi, Laland et ses collègues souhaitaient examiner l'importance relative de l'apprentissage social et de l'acquisition de comportements à partir de l'observation des autres comparativement à l'innovation individuelle.

La capacité d'apprendre des autres est essentielle pour l'évolution et la persistance de la culture, mais lier mathématiquement l'apprentissage social et le succès évolutif de l'espèce humaine est une chose très difficile. D'une importance égale, mais toujours floue est la réponse à la question "Comment socialement apprend-on le mieux ?". Ainsi, des comportements sont imités à première vue aléatoirement ou encore, on décide qui on copie en se fondant sur le degré de prestige social de la personne. Donc, des "règles" existent, mais laquelle est la plus efficace ?

C'est ainsi que 10 000€ ont été proposés pour l'équipe gagnante du tournoi. Il s'agissait pour chaque compétiteur de créer un programme et le laisser se mesurer à chacun des programmes des autres compétiteurs ; ces programmes de simulation devaient incorporer des stratégies d'apprentissage social. Les attentes des chercheurs étaient qu'un mélange d'apprentissage personnel et social serait la meilleure stratégie. Ils ont été surpris de constater que la stratégie gagnante est l'imitation plutôt que l'innovation. Ainsi, une implication globale de ce résultat concernant l'évolution culturelle de l'espèce humaine est que notre succès évolutif pourrait résider dans la capacité de créer des réseaux sociaux et de savoir qui, quoi et quand copier.

Mais ce n'est pas tout. Dans les années 1980, un autre scientifique avait organisé une compétition pour avoir des informations sur l'évolution de la coopération. Les gens qui s'intéressent un peu à la socialité penseront immédiatement à la théorie des jeux et au dilemme du prisonnier. Dans le cadre de cette compétition, la stratégie tout bête dite Tit-For-Tat (TFT pour les intimes) ressort comme étant la plus efficace. Elle consiste à coopérer au premier coup, puis à reproduire à chaque fois le comportement de l'adversaire du coup précédent.

Donc, Monsieur Laland a bien fait de lire la littérature : il a eu une approche intégrative et a joint l'apprentissage social, l'évolution culturelle et la théorie des jeux. Le résultat est qu'apprendre des autres et coopérer est un ensemble gagnant de stratégies.

Dans le même numéro de Science, section "Archéologie", des gars racontent comment la tendance du tout cognitif pour expliquer l'évolution humaine n'a plus autant le vent en poupe. Ainsi, le titre évocateur Did modern humans get smart ou just get together? ("Est-ce que les humains modernes sont devenus intelligents ou se sont juste rassemblés ?") en dit long ; la brève décrit les premiers signes archéologiques d'art et symbolisme (datant de 90 000 et 60 000 années sur deux continents différents) et annonce clairement que de telles activités ne sont pas cohérentes avec un gène de l'intelligence. Une explication a été ainsi suggérée : la démographie. Autrement dit, notre culture complexe ne trouverait pas ses racines simplement dans les capacités cognitives individuelles mais surtout dans la connaissance partagée que nous construisons dans le cadre de la société. La culture complexe requiert un "cliquet culturel" : un effet cumulatif des contributions de beaucoup de personnes au cours du temps, chacune étant bâtie sur la base de la précédente.

Dans cette perspective nous attendons avec impatience l'application de la loi "Création et Internet" dite Hadopi et applaudissons frénétiquement la décision d'empêcher la tenue de l'expo "Contrefaçon" à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris.

[1] Comme tout ressource qui se respecte, les articles de la revue Science ne sont pas en accès libre. La modique somme de 30$ vous est demandé si vous voulez les consulter. Ou, comme moi, vous avez un accès parce que votre labo paye pour l'abonnement. Évidemment, les contenus publiés dans Science sont protégés par des droits d'auteur, donc je ne peux pas joindre le pdf... Apprendre des autres, toussa.

Aller plus loin

  • # coopération > isolation

    Posté par  . Évalué à 10.

    Il s'agit d'un tournoi d'informatique [...] : "Supposez que vous vous trouviez dans un environnement inconnu[...]. Est-ce que vous investiriez du temps pour trouver comment faire tout(e) seul(e) ou vous observeriez d'autres personnes et les imiteriez ?
    [...]
    Ils ont été surpris de constater que la stratégie gagnante est l'imitation plutôt que l'innovation.

    C'est marrant, ça m'a fait également penser à ce tournoi informatique[1], qui a eu lieu il y a 30 ans :
    Des programmes devaient évoluer dans un même environnement et communiquer entre eux de manière à en tirer le plus de bénéfice.

    Celui qui s'en tire le mieux est celui régi par le principe de la « coopération-réciprocité-pardon[2] » (tit for tat[3] en anglais).

    L'idée étant que la coopération est plus efficace que la solitude. Le principe de réciprocité permet de disqualifier les comportements hostiles (on est moins efficace en guerre que tout seul dans son coin). Mais le pardon permet d'inciter à revernir vers la coopération.

    On retrouve également cette idée dans le principe de l' « altruisme réciproque[4] ». On pourrait aussi citer Wikipedia ou le Logiciel Libre qui ont construit bien plus que ce que n'importe quel groupe restreint de personnes n'aurait pu faire.


    Le fait est que la coopération n'est pas de la gentillesse ou de l'altruisme, c'est juste la manière la plus efficace, la plus darwinienne, de maximiser le résultat.

    Il faudrait juste faire comprendre ça à tous les gus en costume cravate qui tentent de nous imposer HADOPI, ACTA, EUCD, DADVSI, les brevets logiciels, les logiciels propriétaires, l'enfermement style « apple », qui ne respectent pas les normes et les standards, ne sont pas interopérables, promeuvent le cloud computing ou le minitel 2.0. (Je suis sûr que j'en oublie).


    Bref, découvrir que « l'imitation » (j'aurais plutôt dit la mutualisation[5] du savoir) est plus efficace que d'« innover » dans son coin aujourd'hui, et en être surpris, ça me fait bien rigoler. Ça traduit une mentalité un poil malsaine et malheureusement trop répandue.



    [1] http://www.cheztom.com/science-l-homme-et-la-machine-coopera(...)
    [2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Coop%C3%A9ration-r%C3%A9ciproci(...)
    [3] http://en.wikipedia.org/wiki/Tit_for_tat
    [4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Altruisme_r%C3%A9ciproque
    [5] Je trouve malsain cette idée d' « imitation » trop assimilée au plagiat. Les idées et les savoir sont dans la nature et n'appartiennent à personne. Et c'est en les faisant circuler qu'on les renforce, qu'on les affûte et qu'on les perfectionne.
    • [^] # Re: coopération > isolation

      Posté par  . Évalué à 5.

      C'est marrant, ça m'a fait également penser à ce tournoi informatique[1], qui a eu lieu il y a 30 ans :
      Des programmes devaient évoluer dans un même environnement et communiquer entre eux de manière à en tirer le plus de bénéfice.

      Celui qui s'en tire le mieux est celui régi par le principe de la « coopération-réciprocité-pardon[2] » (tit for tat[3] en anglais).


      C'est marrant, c'est écrit dans la news.

      Tous les nombres premiers sont impairs, sauf un. Tous les nombres premiers sont impairs, sauf deux.

      • [^] # Re: coopération > isolation

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

        M'abuserais-je ou bien le commentaire auquel vous répondez apporte une sorte de correction polie ou de nuance subtile au journal : pour le rédacteur de ce dernier tit for tat signifie tentative de coopération puis imitation, alors que le commentaire de ß ß prétend qu'il s'agit de « coopération-réciprocité-pardon » ; ces deux descriptions même si ce sont celles de la même attitude peuvent être comprises de manière différente. En l'occurrence, en lisant le journal je n'avais pas tout à fait compris la même chose qu'avec le commentaire de ß ß et je me demandais un peu comment interpréter le nom tit for tat...

        « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

        • [^] # Re: coopération > isolation

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

          >>> M'abuserais-je ou bien le commentaire auquel vous répondez apporte une sorte de correction polie ou de nuance subtile au journal : pour le rédacteur de ce dernier tit for tat signifie tentative de coopération puis imitation, alors que le commentaire de ß ß prétend qu'il s'agit de « coopération-réciprocité-pardon »

          C'est parce que " coopération-réciprocité-pardon" est une variante du tit for tat original qui est "coopération-réciprocité".
          Extrait de Wikipedia :
          "La meilleure stratégie dans un contexte déterministe « œil pour œil » (« Tit for Tat », une autre traduction courante étant « donnant-donnant ») a été conçue par Anatol Rapoport pour un concours informatisé. Son exceptionnelle simplicité a eu raison des autres propositions. Elle consiste à coopérer au premier coup, puis à reproduire à chaque fois le comportement de l'adversaire du coup précédent. Une variante, « œil pour œil avec pardon », s'est révélée un peu plus efficace : en cas de défection de l'adversaire, on coopère parfois (de 1 à 5 %) au coup suivant. Cela permet d'éviter de rester bloqué dans un cycle négatif. Le meilleur réglage dépend des autres participants. En particulier, « œil pour œil avec pardon » est plus efficace si la communication est brouillée, c'est-à-dire s'il arrive qu'un autre participant interprète à tort un coup".
        • [^] # Re: coopération > isolation

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

          Donc, pour répondre à ça. La phrase définissant le TFT [1] a été rajoutée par l'équipe de modération et relecture. Elle ne faisait pas partie de la dépêche que j'ai soumise :)

          Ainsi, je trouve regrettable de l'y voir écrite. En effet, la définition première de TFT n'est pas celle-ci. La définition est : si joueur 1 fait un action au 1er coup, joueur 2 doit répéter celle-ci à son tour. C'est ni plus ni moins le dilemme du prisonnier, mais itéré (ie, sur plusieurs coups, pas sur un seul).

          Ce qu'on a vu grâce à des simulations et démonstrations mathématiques, c'est que le TFT est une stratégie évolutivement stable (SES) lorsque le joueur 1 agit en coopérant au premier tout puisqu'il est imité par le joueur 2 par la suite. C'est un résultat d'un jeu de possibilités dans le cadre de contraintes données donc et PAS une définition.


          Je tenais à rectifier le tir car je trouve dommageable d'ajouter un biais de lecture en ajoutant une pitite phrase un peu maladroite (même si je sais que ça a été fait motivé par de bonnes intentions). Le lien que j'ai donné dans la dépêche et celui notifié par ß ß mettent également ça au clair.


          [1] Elle consiste à coopérer au premier coup, puis à reproduire à chaque fois le comportement de l'adversaire du coup précédent.
          • [^] # Re: coopération > isolation

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

            Tu notera que la définition rajoutée est celle donnée par Wikipedia.
            • [^] # Re: coopération > isolation

              Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

              Tu noteras que ce n'est pas totalement vrai :)

              Dans l'article wikipédia que j'ai mis dans le texte, il est question de la chose suivante :

              Dans son livre The Evolution of Cooperation (L'évolution de la coopération, 1984), Robert Axelrod étudie une extension classique de ce dilemme : le jeu se répète, et les participants gardent en mémoire les précédentes rencontres. Cette version du jeu est également appelée dilemme itératif du prisonnier. Il donne une autre illustration à partir d'une situation équivalente : deux personnes échangent des sacs, censés contenir respectivement de l'argent et un bien. Chacun a un intérêt immédiat à passer un sac vide, mais il est plus avantageux pour les deux que la transaction ait lieu.

              Quand on répète ce jeu durablement dans une population, les joueurs qui adoptent une stratégie intéressée y perdent au long terme, alors que les joueurs apparemment plus désintéressés voient leur « altruisme » finalement récompensé : le dilemme du prisonnier n'est donc plus à proprement parler un dilemme. Axelrod y a vu une explication de l'apparition d'un comportement altruiste dans un contexte d'évolution darwinienne par sélection naturelle.


              Tit-for-tat (appelée à juste titre "œil pour œil") est, dans sa définition première, uniquement itérer le dilemme du prisonnier. C'est lorsque tu le reproduis plusieurs fois en changeant le premier agissement du joueur 1 que tu conclues à l'efficacité de la coopération au premier coup [1]. Axelrod a fait 63 simulations différentes si ma mémoire est bonne parmi lesquelles "coopération-réciprocité" s'est révélée la plus efficace pour répondre à la question posée.
              Par abus du langage, TFT est devenue synonyme de "coopération-réciprocité" ("coopération-réciprocité-pardon" étant une autre variante encore) étant donné qu'on parle systématiquement de TFT dans le cadre de mécanisme d'émergence de l'altruisme et, par là, socialité.


              [1] Et encore, il y a plein de gens à critiquer le fait que les simulations sont faites dans un cadre de possibilités finies. C'est un problème pour certains (tels Nachbar dans son papier d'il y a plus de 15 ans Evolution in the finitely repeated Prisoners' Dilemma) qui soulèvent à assez juste titre l'utilisation de l'équilibre de Nash dans le cadre de ces simulations. Mais bon, là on entre trop dans des détails pas forcément sexy ;)
              • [^] # Re: coopération > isolation

                Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

                A noter que Douglas Hofstadter (l'auteur de "Gödel, Escher, Bach") a écrit plusieurs articles sur le dilemme du prisonnier et les stratégies TFT dans son livre "Ma Thémagie".
                Le livre est un recueil d'articles écrits pour Scientific American et les articles 27, 28, 29 et 30 expliquent et développent les diverses stratégies quand on est dans le cas du dilemme itératif du prisonnier et quels sont les conséquences morales qu'on peut en tirer.

                Lecture passionnante et chaudement recommandée.
      • [^] # Re: coopération > isolation

        Posté par  . Évalué à 3.

        C'est marrant, c'est écrit dans la news. C'est bien pour ça que j'ai mis le mot « également » dans « ça m'a fait également penser ».
    • [^] # Re: coopération > isolation

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

      C'est marrant, ça m'a fait également penser à ce tournoi informatique[1], qui a eu lieu il y a 30 ans :
      Des programmes devaient évoluer dans un même environnement et communiquer entre eux de manière à en tirer le plus de bénéfice.


      C'est marrant, ça ressemble à ce qu'ils avaient voulus faire à Prologin en 2007, sauf qu'au final les règles (en particulier le calcul des points) étaient bidons, et la stratégie gagnante était de tuer les autres le plus vite possible :p ( http://xf.iksaif.net/dev/prologin/prologin2007.tgz ) .
  • # Façon de copier

    Posté par  . Évalué à 3.

    (Je me suis efforcé de lire toute la dépêche avant de répondre, désolé si il y a déjà été question de ce que je vais dire.)

    Je pense qu'il y a deux extrêmes : réinventer tout et copier sans comprendre.

    Prenons l'exemple de la roue.

    Si chacun la réinvente, beaucoup de temps et d'énergie sera perdu pour peu de charrues. Si tout le monde copie sans comprendre pourquoi ça marche, beaucoup de charrues seront produites, mais au niveau enrichissement personnel il n'y aura pas grand-chose, ce qui se répercutera à l'échelle collectif.

    Pourquoi ne pas prendre en compte ce paramètre ? Question ouverte. :)
    • [^] # Re: Façon de copier

      Posté par  . Évalué à 4.

      À ce niveau là, l'informatique possédait un bel équilibre : on pouvait prendre les idées des autres mais le code était protégé, ce qui nécessite un réel travail d'adaptation d'une solution générale à un problème particulier. C'était probablement un bon compromis entre la protection de l'innovation et le partage des connaissances.

      La tendance depuis quelques années à protéger non seulement les protocoles de communication entre logiciels (formats de fichers, de flux, etc) mais aussi l'intrusion des brevets logiciels qui protègent les idées cassent ce bel équilibre. Ou plutôt le monnaye, puisqu'il est toujours possible de copier, mais il faut payer.

      Les gens qui prennent de telles décisions ne sont pas forcément stupides. Ils vivent dans un monde à part, fait de chiffres et de relations. Ils n'ont pas le temps de lire, de parler avec des gens intéressants et cultivés, de se poser des questions sur les projets de société, sur l'évolution de la connaissance. Mais les responsables, ce n'est pas forcément eux, c'est surtout nous, qui laisons nos nations au contrôle de tels individus.
      • [^] # Re: Façon de copier

        Posté par  . Évalué à 0.

        L'essentiel est dit ici. Il me semble que les lois (actuelles et futures) sur les droits d'auteur, ne sont pas là pour dire que la copie (ou l'imitation) ne sont pas profitables à la société, mais simplement à protéger les droits moraux mais surtout patrimoniaux liés à ces droits d'auteur.
        Ainsi, la copie est autorisée, mais payante.

        Par ceci, je ne dit pas que le prix à payer pour acquérir des droits soit juste et équitable. Je souhaite simplement mettre l'accent sur le fait que restreindre les droits de copie ne signifie pas que la copie est néfaste pour l'évolution sociétale. C'est d'ailleurs même l'inverse : c'est justement parce qu'elle est profitable (au copiste ou imitateur), qu'il faut protéger leurs auteurs.

        Le problème ne vient donc pas tant du respect du droit d'auteur, mais surtout de la commercialisation du savoir et du savoir-faire, et surtout de l'économie de marché qui impose à toute société qui investi dans un procédé ou dans la recherche, à le financer par des brevets ou de la vente de service. La coopération sans but lucratif n'est pas le modèle qui régit nos démocraties... et les comportements individuels (je dirais individualistes) sont devenus malheureusement largement majoritaires.

        Cordialement.
    • [^] # Re: Façon de copier

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

      Tu confonds des choses :) Il s'agit de copier/imiter un comportement (donc, une suite structurée d'actions), pas reproduire à l'identique une production finie. Ainsi, imiter les gestes de quelqu'un qui crée une roue n'est pas la même chose qu'imiter l'objet (la roue) lui-même.
      • [^] # Re: Façon de copier

        Posté par  . Évalué à 0.

        Je sais bien que ce n'est pas la même chose, puisque j'ai soulevé le problème. :)

        Regarde la réponse d'arnaudus, elle va bien dans l'esprit de mon message.
        • [^] # Re: Façon de copier

          Posté par  . Évalué à 0.

          Enfin en même temps, suivre mécaniquement des étapes ou copier le produit fini c'est un peu la même chose.

          Je parlais plus d'une différence entre la copie "intelligente" ("comment ça marche ?", "pourquoi c'est efficace ?", "puis-je l'améliorer ?") et la copie "mécanique".

          Est-ce qu'on peut formaliser une copie intelligente ?
    • [^] # Re: Façon de copier

      Posté par  . Évalué à 2.

      Si chacun la réinvente, beaucoup de temps et d'énergie sera perdu pour peu de charrues. Si tout le monde copie sans comprendre pourquoi ça marche, beaucoup de charrues seront produites, mais au niveau enrichissement personnel il n'y aura pas grand-chose, ce qui se répercutera à l'échelle collectif.

      Pourquoi tout le monde copie « sans comprendre pourquoi ça marche » ? Au contraire, copier n'empêche pas de comprendre, ça permet même d'apprendre au lieu de découvrir. Je ne trouve pas ça anormal d'avoir dû apprendre les théorèmes de maths que j'utilise aujourd'hui, si je devais redécouvrir seul des résultats issus de milliers d'années de réflexion, je n'aurai pas beaucoup de temps pour construire mes propres charrues.

      Alors qu'en copiant, aujourd'hui j'écris moi-même mes modèles, et j'espère qu'un jour ils alimenteront les travaux d'un autre. En gros, j'ai copié la roue, le moteur (électrique à rechargement solaire) et le GPS et les ailes de ma charrue, et maintenant aux autres de copier le super foil que j'ai ajouté qui permet de décoller sur l'eau, la neige le sable et le gloubiboulga. Et grâce à leurs travaux, qui sait, peut-être un jour les charrues partiront-elles dans l'espace ?
      • [^] # Re: Façon de copier

        Posté par  . Évalué à 1.

        Pourquoi tout le monde copie « sans comprendre pourquoi ça marche » ?

        Dans le texte que tu cites, j'ai parlé des extrêmes, voilà pourquoi. :)
    • [^] # Re: Façon de copier

      Posté par  . Évalué à 2.

      C'est vrai qu'il y a une sorte d'ambiguïté sur ce que imiter veut dire par rapport à innover, parce qu'on peut dire qu'imiter c'est, à un niveau individuel déjà, faire sien ce qui a été créé ailleurs, mais ça ne veut pas dire que l'on n'est pas obligé de refaire pour soi le chemin en question.

      Ce que j'ai compris avec une image: dans une forêt, si le but est d'avancer vite, le plus simple et efficace n'est pas de laisser tout le monde marcher de front et créer son propre chemin dans les fourrés pour aller à destination, mais que quelque uns ouvrent la voie, et que les autres suivent. Ceux qui suivent imitent, puisqu'ils n'ont ouvert aucun chemin, mais ça ne veut pas dire qu'ils imitent sans rien faire: ils marchent comme tout le monde et peuvent aider à encore aplanir pour les suivants.

      Vu comme ça, c'est loin d'être nouveau comme comportement, et ce qui est intéressant n'est pas de remarquer que ça marche mais de le modéliser/mathématiser, de faire des expériences là-dessus.
    • [^] # Re: Façon de copier

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

      C'est en forgeant qu'on devient forgeron.

      C'est en copiant le maître forgeron que tu comprends comment la forge fonctionne, et c'est également en copiant que tu vas te demander pourquoi, et si une théorie convenable ne te tombe pas toute cuit dans le bec, tu la développes.
      • [^] # Re: Façon de copier

        Posté par  . Évalué à 1.

        Ça marche avec les dizaines de formules/théorèmes/toussa appris par coeur et « restituées » en exam' de sciences/maths ? :)

        J'ai pris cet exemple pas très concret, parce qu'il est parlant : on peut se retrouver à manipuler quelque chose sans comprendre ce qu'on est en train de faire ni même ce que c'est.
        • [^] # Re: Façon de copier

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

          Oui mais c'est particulièrement agaçant et donc soit tu cherches à comprendre pourquoi on procède ainsi, soit tu nourris une aversion pour la pratique en question.

          Je pense que nos enseignements scientifiques manquent effectivement d'Histoire des sciences. Mais là on rejoint le problème de la politique vis à vis du partage des connaissances qu'instaurent les états.

          Force est de constater que le tendance est à la spécialisation forte des individus, au détriment de leur culture interdisciplinaire.
          • [^] # Re: Façon de copier

            Posté par  . Évalué à 2.

            Exactement, et voilà comment on rend un savoir dogmatique qui ne l'est pas par essence.
        • [^] # Re: Façon de copier

          Posté par  . Évalué à 0.

          Bien sur que ca marche. Ton objectif est d'atteindre ton exam qui peut etre d'un niveau bien supérieur a tes capacités et/ou ton envie d'apprendre.
          Et parmi ceux qui passeront cet exam une minorité, vraiment interessée par la matière continuera de copier jusqu'au jour ou il n'y aura plus rien a copier et ou il leur faudra innover .... pour la génération suivante
  • # Je n'ai pas bien compris

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8.

    Où sont les limites de ce type de prospectives ? Ne pas réinventer la roue, je veux bien. Mais il a quand même bien fallu que quelqu'un l'invente. Et le collectif n'a pas comme seul effet de faire progresser en commun -- à force de réinventer, au moment où l'on essaie d'inventer c'est bien souvent le collectif qui nous met des bâtons dans les roues. Beaucoup de notre quotidien, scientifique ou technique, a été freiné par la collectivité ou ses dirigeants et il lui aura fallu le temps de s'imposer. Le collectif est très porté au conservatisme.

    Les conclusions sont intéressantes et au moins aussi partielles que la méthode l'autorise, mais ça reste du subjectif, de la philosophie. Y avait-il besoin de dépenser tout cet argent pour arriver au même résultat qu'aurait donné, et qu'a déjà donné en plus approfondi, une réflexion dans la chambre ?

    Et sur le terrain, on n'a pas d'autre choix que le pragmatisme ou la chute : soit on copie, soit on invente selon les exigences de la situation, et les fables de La Fontaine ou toute la littérature me semblent plus chargées d'enseignements. Les méthodes des sciences dures appliquées aux comportements... Combien faut-il sabrer de sa réalité pour que le sujet devienne étudiable ?

    Le problème de ce genre d'études, c'est que 10 ans après on n'en retient que les biais et les oublis méthodologiques.

    Mais l'expérience restant un atout non négligeable, plus encore que les logiciels libres, c'est l'enseignement de l'histoire qui me semble devoir être défendu becs et ongles.
    Il y a des roues qu'on réinvente, il y en a d'autres qu'on enterre.
    • [^] # Re: Je n'ai pas bien compris

      Posté par  . Évalué à 3.

      Par rapport à au premier paragraphe:

      Si la stratégie "Tit for Tat" est la meilleure pour maximiser le résultat, ça ne signifie pas du tout qu'elle soit la seule utilisée IRL (In Real Life). De plus, il faut, pour chaque acteur prendre en compte son environnement et ses préoccupations du moment.

      Il y a donc une petite frange de créateurs, qui, en s'inspirant des idées pré-existantes - en les copiant -, en les arrangeant d'une manière innédite, innovent. Il y a des "early-adopters" qui vont être à l'affut d'innovations et les adopter rapidement, en jugeant grâce à leur expérience et en testant. Il y a ensuite sans doute un groupe qui suit les "early-adopters" et va commencer à populariser l'innovation, et enfin la masse qui va copier le commun.

      Pour ce qui est du collectif très porté sur le conservatisme, cela peut avoir diverses raisons:
      - l'inertie de la routine (dur, le changement, dur!)
      - "ça marche, je maitrise, donc à moins que tu me prouves que ta solution est super stable et apporte de super avantages, je vois pas pourquoi bouger"
      - pour les dirigeants, les exigences de coûts et les risques qui en découlent prennent l'ascendant sur le reste, ils doivent calculer les bénéfices qui pourraient être gagnés sur la concurrence et les pondérer par les risques... là, il y a différentes attitudes...

      Bref, tout ça déborde du cadre de l'expérience présentée, et doit sans être d'une complexité difficile à intégrer dans un protocole de recherche "à la dure".

      Reste que ne pas réinventer la roue est le plus souvent une bonne stratégie.

      Less is more

  • # Éloge de la copie

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    Discours de Michel Rocard à la Commission Européenne sur les brevets logiciels http://www.faiteslelien.fr/index.php?post/2008/01/24/Lintell(...)

    Voici l'extrait en vidéo de l'émission de télévision où Michel Rocard fait indirectement l'éloge de la copie : http://pjarillon.free.fr/docs/is-rocard.mpeg (61Mo)

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